Beynac - Une Forteresse Orgueilleuse
LA CLEF DE VOÛTE. Le château fort de Beynac est sans conteste un des plus beaux châteaux moyenâgeux de France tant par son architecture que par la beauté de son site. Comme une lourde caravelle de pierre, il est à l'ancre sur une haute falaise calcaire, corrodée par les siècles et dominant un charmant village allongé sur la rive droite de la Dordogne.
Le château fort est bâti dès le XIIe siècle par les barons de Beynac pour verrouiller la vallée. L'à-pic étant suffisant (150 m au-dessus de la Dordogne) pour décourager toute escalade côté vallée, les défenses s'accumulèrent côté plateau : double enceinte crénelée, double douve dont l'une approfondissait un ravelin naturel, double barbacane. La partie la plus ancienne du château est un gros donjon roman carré, vertigineux, aux rares percements, agrafé d'une bretèche et d'une échauguette, terminé par une terrasse crénelée. Il est accosté d'une cage d'escalier en vis dans une tour d'angle carrée, lisse, démesurément haute, mince comme un contrefort.
D'un côté, un logis de la même époque lui est juxtaposé. Il est prolongé vers son angle nord-ouest par une sorte de bastion défensif en forme de proue, fort archaïque, avec des baies géminées, des bretèches, une terrasse crénelée, deux tours d'angle en encorbellement. Un autre donjon carré est bâti au centre. Crénelé et menaçant, il est muni de mâchicoulis et d'une tourelle d'angle à poivrière. Sa hauteur semble encore exagérée.
De l'autre côté, c'est un vaste logis qui est bâti en partie au XIVe siècle, auquel sont accolés une cour et un escalier de plan carré desservant les appartements. Percé de baies à meneaux au XVIe siècle, le logis est agrémenté au sud-ouest d'une tourelle d'angle en encorbellement, tourelle circulaire du XVIIe siècle, à trois étages, sommée d'une coupole de pierre. A ces défenses, déjà sérieuses, on ajoute au XIVe siècle vers le sud-est, un autre logis crénelé avec des échauguettes circulaires à poivrières, destinées à battre la barbacane, pratiquée dans un rempart solide, très haut, crénelé et scandé de tours carrées. Le rempart se poursuit vers le nord jusqu'à enclore une chapelle, aussi audacieusement juchée sur l'à-pic que le château ; elle est devenue l'église paroissiale.
De chaque côté du châtelet sont élevées, durant les guerres de Religion, des fortifications surplombant le fossé, ce qui constitue après le franchissement d'un pont dormant, l'entrée actuelle du château. Caractéristique des défenses de la fin du XVIe siècle, le rempart, taluté sur toute sa hauteur, ne dispose d'aucune canonnière, afin de ne pas affaiblir le mur (les ouvertures ressemblant à des archères sont en fait des chantepleures). L'ensemble est surmonté d'un boulevard terminé au sud-est par un petit bastion, et nord-ouest par un bastion à orillon. La nécessité de circuler rapidement au sommet implique que l'entrée du XVIe siècle différait nettement du châtelet actuel.
Quant à l'intérieur du château, il faudrait y signaler une multitude d'éléments intéressants, datant du XIIe au XVIIe siècle : une grand-salle immense, dite salle des gardes ou salle des États, avec une belle cheminée Renaissance sculptée de bucranes ; un petit oratoire roman dont les murs conservent de remarquables fresques du XVe siècle, parmi lesquelles une Pieta, un saint-Christophe, une Cène dans laquelle saint-Martial est le maître d'hôtel. Un bel escalier sur plan carré donne accès aux logis du Grand Siècle, ornés de boiseries et de plafonds peints.
La forteresse de Beynac constitue une synthèse de l'art de bâtir et de l'art de se défendre à travers les siècles. Un ambitieux programme de réhabilitation et de reconstruction tend à redonner au château son aspect des XIIIe et XIVe siècles. Le pont dormant, le châtelet et sa herse, la cuisine, la salle des gardes, le petit pont-levis et le donjon comptent déjà parmi les présentations renouvelées.